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L'impact de la technologie sur la responsabilité civile et pénale

L'impact de la technologie sur la responsabilité civile et pénale
Par Ismail Abakar Vues : 743 03.06.2023 • 14:12

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La technologie, notamment l'intelligence artificielle (IA), est de plus en plus présente dans nos vies et nos activités. Elle offre des opportunités mais aussi des risques, notamment en cas de dommages causés par des systèmes autonomes ou des cyberattaques. Quels sont les enjeux juridiques liés à ces nouvelles formes de responsabilité ? Comment adapter le droit existant ou créer de nouvelles règles pour garantir une protection efficace des victimes et une répartition équitable des charges entre les différents acteurs impliqués ?

1. La responsabilité civile face à l'intelligence artificielle (IA)

L'IA peut être définie comme « l'ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine ». Elle peut se manifester sous différentes formes, telles que les agents intelligents, les robots, les assistants vocaux, les véhicules autonomes, etc. Ces systèmes peuvent agir de manière autonome, apprendre de leurs expériences, interagir avec leur environnement et prendre des décisions.

Or, ces capacités peuvent entraîner des conséquences imprévisibles ou indésirables, telles que des erreurs, des dysfonctionnements, des accidents ou des atteintes aux droits et libertés des personnes. Par exemple, un robot chirurgical peut causer une blessure à un patient, un véhicule autonome peut provoquer un carambolage, un assistant vocal peut divulguer des données personnelles, etc.

Dans ces cas, qui est responsable du dommage causé par l'IA ? La question n'est pas simple, car l'IA pose des défis au droit de la responsabilité civile traditionnel, fondé sur les notions de faute, de causalité et de préjudice. En effet, l'IA peut agir de manière imprévisible ou incompréhensible pour les humains, ce qui rend difficile d'identifier la source du dommage et d'établir un lien de causalité entre le comportement du système et le résultat dommageable. De plus, l'IA peut impliquer plusieurs acteurs (concepteurs, fabricants, fournisseurs, utilisateurs, etc.), ce qui complique la détermination du responsable et la répartition des charges.

Plusieurs solutions sont envisageables pour adapter le droit de la responsabilité civile à l'IA.

L'une d'elles consiste à appliquer le régime existant de la responsabilité du fait des choses ou des produits défectueux, en considérant l'IA comme une chose ou un produit dont le propriétaire ou le producteur est responsable en cas de dommage causé à autrui. Cette solution présente l'avantage de protéger les victimes en leur offrant une garantie objective et indépendante de la faute du responsable. Toutefois, elle présente aussi des limites, notamment le fait qu'elle ne prend pas en compte la spécificité de l'IA comme système autonome et évolutif, qui peut échapper au contrôle ou à la prévision de son propriétaire ou de son producteur.

Une autre solution consiste à créer un régime spécifique de responsabilité pour l'IA, en tenant compte de ses caractéristiques propres. Cette solution pourrait passer par la reconnaissance d'une personnalité juridique à l'IA, qui lui conférerait des droits et des obligations, et qui lui permettrait d'être responsable de ses actes. Cette solution présente l'intérêt de reconnaître l'autonomie et la complexité de l'IA, mais elle pose aussi des difficultés pratiques et éthiques. En effet, comment définir les critères d'attribution d'une personnalité juridique à l'IA ? Comment assurer son respect du droit et sa sanction en cas d'infraction ? Comment garantir sa solvabilité en cas de dommage ?

Une troisième solution consiste à élaborer un cadre normatif au niveau communautaire pour l'IA, qui définirait les principes éthiques et juridiques applicables aux systèmes intelligents. C'est l'objectif du projet de règlement sur l'IA proposé par la Commission européenne en avril 2021. Ce projet prévoit notamment d'établir une classification des systèmes d'IA selon leur niveau de risque pour les droits fondamentaux et la sécurité des personnes (risque élevé, limité ou minimal), et d'imposer des obligations aux fournisseurs et aux utilisateurs d'IA en matière de transparence, d'évaluation préalable des risques, de contrôle humain et de surveillance. Le projet prévoit également un mécanisme de responsabilité civile pour les systèmes d'IA à risque élevé (tels que les robots médicaux ou les véhicules autonomes), qui imposerait aux fournisseurs d'assurer une couverture financière suffisante pour indemniser les victimes en cas de dommage.

2. La responsabilité pénale face aux cyberattaques

Les cyberattaques sont des actes malveillants visant à compromettre la sécurité ou le fonctionnement d'un système informatique ou d'un réseau. Elles peuvent prendre différentes formes (intrusion frauduleuse dans un système informatique (hacking), sabotage logiciel (virus), usurpation d'identité numérique (phishing), extorsion (ransomware), etc.) et avoir différents objectifs (voler ou détruire des données confidentielles perturber ou paralyser un service essentiel, nuire à la réputation ou à l'image d'une personne ou d'une organisation, etc.).

Les cyberattaques peuvent causer des dommages importants aux personnes physiques ou morales qui en sont victimes (préjudices matériels moraux, financiers, etc.). Elles peuvent également porter atteinte aux intérêts supérieurs de la nation (sécurité nationale, défense nationale, ordre public, etc.). Dans ces cas, qui est responsable du dommage causé par les cyberattaques ? La question est complexe, car les cyberattaques posent des défis au droit pénal traditionnel, fondé sur les notions d'auteur, de complice, d'intention coupable et d'imputabilité. En effet, les cyberattaques sont souvent commises par des acteurs anonymes ou dissimulés derrière des pseudonymes ou des adresses IP falsifiées. Elles peuvent également impliquer plusieurs acteurs (co-auteurs, complices, intermédiaires, etc.) répartis dans différents pays ou continents. Cela rend difficile l'identification et la localisation des auteurs et des complices des cyberattaques et leur poursuite et sanction par les autorités judiciaires compétentes.

Plusieurs solutions sont envisageables pour adapter le droit pénal aux cyberattaques.

L'une d'elles consiste à appliquer le régime existant de la répression pénale des infractions informatiques prévues par le code pénal. Cette solution présente l'avantage de protéger les victimes en leur offrant une réparation pénale et une dissuasion potentielle. Toutefois, elle présente aussi des limites, notamment le fait qu'elle ne couvre pas toutes les formes de cyberattaques ou qu'elle ne tient pas compte de la diversité des auteurs et des complices des cyberattaques (individus, organisations criminelles, Etats, etc.).

Une autre solution consiste à créer un régime spécifique de répression pénale des cyberattaques, en tenant compte de leurs caractéristiques propres. Cette solution pourrait passer par l'adoption d'une convention internationale sur la cybercriminalité, qui harmoniserait les définitions et les sanctions des infractions informatiques, et qui renforcerait la coopération judiciaire entre les Etats. C'est l'objectif de la convention de Budapest sur la cybercriminalité, adoptée en 2001 par le Conseil de l'Europe et ratifiée par 66 Etats à ce jour³. Cette convention prévoit notamment de sanctionner les atteintes à la confidentialité, à l'intégrité et à la disponibilité des données et des systèmes informatiques (article 2 à 6), les infractions liées au contenu illicite (article 8 à 10), les infractions liées à la propriété intellectuelle (article 11) et les infractions liées à la fraude informatique (article 12). Elle prévoit également des mesures de procédure pénale spécifiques pour la recherche et la saisie des données informatiques (article 16 à 21) et des mécanismes de coopération internationale rapide et efficace (article 23 à 35).

Cette solution présente l'intérêt de protéger les victimes en leur offrant une réparation pénale et une dissuasion potentielle. Toutefois, elle présente aussi des limites, notamment le fait qu'elle ne couvre pas toutes les formes de cyberattaques ou qu'elle ne tient pas compte de l'évolution rapide des technologies et des menaces.

...

En fin, il faut dire que la technologie a un impact indéniable sur la responsabilité civile et pénale. Elle crée de nouveaux risques, mais aussi de nouvelles opportunités pour le droit. Il est donc nécessaire d'adapter le droit existant ou de créer de nouvelles règles pour faire face aux défis posés par l'IA et les cyberattaques. Le droit doit être à la fois protecteur des victimes, équitable pour les responsables et cohérent avec les principes éthiques et juridiques fondamentaux.

Réferences:
1. Dictionnaire Larousse ;
2. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre harmonisé pour l'intelligence artificielle ;
3. Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe ;
4. La place du droit pénal dans la lutte contre la cybercriminalité ;
5. Cyber attaque : responsabilité pénale civile et contractuelle ;
6. Focus : le traitement juridique et judiciaire des cyberattaques.

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