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Étude comparative entre la médiation et les notions voisines (la conciliation, la transaction et l’arbitrage)

Étude comparative entre la médiation et les notions voisines (la conciliation, la transaction et l’arbitrage)
Ismail Abakar Adoum Vues : 1338 09.01.2025 • 22:37

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Garantir la sécurité juridique et promouvoir les activités économiques tout en permettant les parties à un conflit de résoudre leur litige amiablement, de manière négociée, constituent la consécration par le législateur OHADA des divers modes dits alternatifs de règlement des différends. Parmi ces modes, il en résulte la médiation et d'autres notions qui lui sont voisines, notamment la conciliation, la transaction et l'arbitrage.

La médiation est, selon l'article 1er de l'Acte Uniforme relatif à la médiation, « tout processus (...) dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord (...) découlant d’un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des Etats ». La conciliation peut être définie comme un mode amiable ou conventionnel de règlement des conflits par lequel des parties, avec ou sans l’aide d’un tiers qui a leurconfiance, dans le cadre ou en dehors de toute instance judiciaire, tentent de rapprocher leurs points de vue respectifs afin de parvenir à une solution amiable du différend qui les oppose. Quant à la transaction, l’article 2044 du Code civil Français la définit comme « le contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou prévient une contestation à naître ». L'arbitrage, d’après le Professeur Charles J ARROSSON, peut se définir comme « l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée parcelles- ci ».

Si tous ces modes ont pour intérêt la résolution des litiges nés entre les parties, l'analyse juridique de la médiation et les notions voisines présente un intérêt à la fois théorique et pratique : il permet d'opérer une délimitation, parfois très difficile, entre ces notions qui présentent certains traits susceptibles d'amener à leurconfusion.

C'est pourquoi, il convient de poser la question suivante : la médiation, la conciliation, la transaction et l’arbitrage sont- ils identiques ?

Il faut d'emblée préciser que ces modes ont des caractéristiques qui les lient à plusieurs niveaux, même s’ils ne sont pas identiques. Pour ce faire, il convient de procéder à l'examen de la disparité qui existe entre ces différents modes (II) après avoir démontrer combien ils sont similaires (I).



SOMMAIRE

Introduction

I) L’affinité entre la médiation et les notions voisines

A) L’autonomie de la volonté des parties

B) La finalité des modes : règlement amiable des conflits

II) La disparité entre la médiation et les notions voisines

A) Les régimes juridiques distincts des modes

B) Le recours ou non à un tiers



I) L’affinité entre la médiation et les notions voisines

La similitude qui existe entre la médiation et les notions voisines s’observe principalement par l’autonomie de la volonté qu’ont les parties (A) et la finalité commune de ces modes (B).

A) L’autonomie de la volonté des parties

Les relations contractuelles privées y compris la conclusion d’un constat d’accord amiable, étant fondées surl’autonomie de la volonté et son corollaire, la liberté contractuelle, la majorité des règles légales applicables en ce domaine sont supplétives de la volonté des parties contractantes. Cette liberté contractuelle s’exercent lors de la phase de négociation et de conclusion de cet accord. Il faut, dans les modes alternatifs de règlement de conflit, la liberté de conclure ou non un accord équitable, c'est- à- dire l’exigence d’un consentement libre et éclairé.

Car, afin d’éviter le risque « d’acharnement conciliatoire » évoqué notamment par le Professeur J ean Carbonnier et commun à tous les modes de règlement non juridictionnel des litiges, le tiers saisi pour le règlement doit d’abord s’assurer de l’existence d’une volonté commune des parties de tenter de trouver un règlement amiable au litige qui les oppose et en l’absence de cette volonté, tenter de les convaincre objectivement des avantages d’un règlement amiable de leur litige et des moyens mis en œuvre pour y parvenir notamment le recours à la notion d’équité et à la liberté de négociation des dispositions d’une futur accord.

En fin, l’initiative même du recours à un mode alternatif, peut résulter des parties qui manifestent leur volonté de recourir à un tel mode, généralement de façon spontanée, parfois sur la base d’une clause contractuelle le stipulant expressément. Elle peut aussi émaner dans certains cas du juge, ou d’une proposition des parties au juge.

Si l'autonomie de la volonté des parties est un trait qui lient la médiation et les notions voisines, la finalité de celles- ci en va de même.

B) La finalité des modes : règlement amiable des conflits

La médiation et les notions voisines ont aussi pour commun l’objectif qu’elles visent. Il s’agit de résoudre à l’amiable un différend. Ce constat se dégage de la definition même de ces notions. L'arrangement amiable ou accord à l'amiable est un compromis négocié par les parties entre elles à un litige, pouréviter un procès. Il peut être utilisé pour régler tout litige civil, d'ordre familial, patrimonial ou professionnel (accident, divorce, autorité parentale, ltige avec un propriétaire ou un locataire, litige avec un commerçant, conflits de voisinage).

Le règlement amiable du conflit s’observe par la recherche d’une solution, l’extinction du conflit ou encore l’extinction de la cause du conflit. Ces modes se distinguent des modes juridictionnels grâce à une procédure amiable, laissée à la diligence des parties ou conduite par un tiers, qui implique des concessions réciproques ou l’équité. L’épithète « alternatifs » suggère qu’ils constitueraient une autre voie à côté de la justice d’État. Mis en place par l’Etat, ces modes alternatifs restent encouragés et encadrés. Ils ont l’avantage d’être rapide, pas ou peu couteux et discrets. C'est dans ce sens que Honoré de Balzac soutient : « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ».

Par conséquent, les clauses de règlement amiable obligatoire et préalable à la saisine du juge font l’objet d’appréciations par la Cour de Cassation. Selon cette cour, « les parties s’engagent à tenter de résoudre à l’amiable tout différend susceptible entre elles, à l’occasion du présent contrat, parsaisine d’un médiateurà l’initiative de la partie la plus diligente, formulera une proposition de conciliation, dans le mois suivant sa saisine » (Com., 3 octobre 2018, n°17- 21089).

Et « pour tous les litiges pouvant survenir dans l’application du présent contrat, les parties s’engagent à solliciter l’avis d’un arbitre choisi d’un commun accord avant tout recours à une autre juridiction » (Civ.3ème, 19 mai 2016, n°15- 14464)...

En cas de signature, ce constat d’accord, même non homologué par le juge, a comme tout contrat, force obligatoire selon les articles 1103 et 1194 du Code Civil, ses clauses ne pouvant être attaquées que très exceptionnellement surle fondement des vices du consentement.

L'accord amiable s'impose, de ce fait, aux parties qui l'ont signé. Un procès peut avoir lieu si une des parties ne respecte pas l'accord signé ou si un différend subsiste. L'accord devra alors être présenté comme preuve des engagements signés.

Mais, au delà de l'affinité existant entre la médiation et les notions voisines, il y a des traits qui déterminent leurdisparité.

II) La disparité entre la médiation et les notions voisines

La médiation et les autres modes voisins se distinguent principalement parleurs régimes juridiques (A) et le cadre d'intervention du tiers (B).

A) Les régimes juridiques distincts des modes

En ce qui concerne le cadre juridique applicable aux divers modes de résolution amiables, précisons que le législateur tchadien n’a pas jugé opportun de les définir expressément et d’en faire des contrats nommés encadrés par des dispositions législatives particulières. C'est plûtot le législateur OHADA qui a adopté en date du 23 novembre 2017 un acte uniforme rélatif à la médiation et un autre à l'arbitrage.

Alors, la conciliation, qui désigne aussi bien l'action de concilier que le résultat de cette action (l'accord lui- même), est régi pardes dispositions générales, selon le domaine dans lequel on lui fait recours. Au contraire, la médiation en tant que processus de recherche d’un accord et non l’accord lui- même, se distingue ainsi facilement de la transaction qui s’apparente exclusivement à unaccord.

Quant au champs d'application, l'article 2 de l'acte uniforme relatif à la médiatique précise que : « le présent Acte uniforme s’applique à la médiation. Toutefois, il ne s’applique pas aux cas dans lesquels un juge ou un arbitre, pendant une instance judiciaire ou arbitrale, tente de faciliterun règlement amiable directement avec les parties.

Pourtant, la transaction présente des carracerisques bien particulières. Comme tout contrat, la transaction est soumise aux conditions générales de validité des contrats contenues dans l’article 1128 du Code civil. Surla capacité de transiger, l’article 2045 du Code civil dispose que, pour avoir la capacité de transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. La transaction doit faire l’objet d’un contrat écrit. Cependant, selon la Cour de cassation, l’exigence d’écrit n’est pas une condition de validité de la transaction, l’écrit n’est exigé que pourla preuve (Cass. soc., 29 février 1984, n°81- 42.623 ; Cass. soc., 9 février 1996, n°93- 42.254). Ainsi, la conclusion d’une transaction a l’avantage d’être plus rapide et de permettre, par exemple, au salarié de bénéficier d’une indemnité transactionnelle là où l’action prud’homale ne garantit pas de bénéficier de dommages et intérêts. Mais, selon une jurisprudence constante, la transaction conclue avant la notification de la rupture du contrat de travail est nulle (Cass. soc., 25 septembre 2013, n°12- 21. 577 ; Cass. soc., 12 février 2020, n°18- 19.149).

Et contrairement à certains modes, la médiation notamment, l'option pour la transaction est en principe interdite pour l'Etat. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'elle est admise. C'est le cas de l'article 327 du Code CEMAC qui autorise la transaction comme moyen de règlement des litiges relatifs aux personnes poursuivies pour infraction douanière avec un régime différent selon que l’infraction porte préjudice à un ou plusieurs États.

En revanche, toute personnes physique ou morale (y compris l'Etat et les autres collectivités publiques territoriales) peut recourir à l'arbitrage selon les termes de l'article 2 de l'acte uniforme relatif à l'arbitrage. Il faut d'ailleurs préciser que la sentence d’accord des parties prononcée par l’arbitre représente un véritable acte juridictionnel qui s’approprie l’accord des parties et revêt l’autorité de la chose jugée. Ainsi, la médiation n’a pratiquement rien de commun avec les procédures formelles de l’arbitrage. On préfère même parler de processus de médiation plutôt que de procédure afin de montrer l’absence de formalisme qui la caractérise. Dans l'espace OHADA, l'arbitrage est régi parl'acte uniforme ci- haut précisé.

En droit français, la doctrine distingue entre « les modes alternatifs parfaits » (la transaction et l’arbitrage), dont l’acte juridique les matérialisant aurait autorité de chose jugée respectivement sur la base des articles 2052 du Code civil et 1476 du Nouveau Code de procédure civile, et les « modes alternatifs imparfaits » (conciliation, médiation) qui seraient des outils de négociation et de dialogue, permettant aux parties de se rapprocher et débouchant en cas de succès sur d’autres modes de résolution, telle la transaction, formalisant l’accord des parties.

Les différences entre la médiation et les notions voisines tiennent aussi surle recours ou non à un tiers et le degré d'intervention de celui- ci.

B) Le recours ou non à un tiers

L'intervention ou non d'un tiers dans la recherche de la solution constitue un autre point de différenciation entre ces modes.

Relativement à la médiation et à la conciliation, le Président de la chambre sociale de la Cour d’Appel de Paris, Gérard Pluyette dit que la différence entre celles- ci réside dans le fait qu’un tiers extérieur intervient nécessairement dans le premier cas, alors que dans le second, c’est le juge lui- même qui procède au rapprochement des parties. Quant à J ean- Loup Vivier, « La différence entre la médiation et la conciliation est aisée en théorie : le conciliateur élabore une décision et recueille l’assentiment des plaideurs ; le médiateur aide les parties à élaborer elles- mêmes un accord ».

Il faut dire que le conciliateur est un bénévole nommé par ordonnance du premier président de la Cour d’Appel. Il peut intervenir soit sur saisine directe des parties avant tout procès (procédure usuelle) : « En cas de litige, les parties conviennent préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leurdifférend au conciliateur qui sera missionné par le président de la Chambre des notaires » (Civ.3ème, 11 juillet 2019, n°18- 13460) ; soit sur saisine du juge d’instance afin de procéder aux tentatives préalables de conciliation prévues par la loi. Le conciliateur peut convoquer les parties à une réunion et propose une ou des solutions après examen du dossier. Un Procès- verbal de conciliation est rédigé à l’issue de la réunion si les parties acceptent la solution proposée.

Le médiateur par contre, est un professionnel libéral consacré exclusivement à cette activité ou exerçant à titre accessoire (avocat, notaire, huissierou même médecin). Le médiateur n’est ni un juge ni un arbitre, c’est- à- dire qu’il ne tranche pas le litige mais aide les parties à trouver elles- mêmes une solution à leur différend. Il est indépendant, impartial, neutre et formé au processus de la médiation. Le médiateur est rémunéré, à cet effet, parles parties au titre de sa mission.

S'agissant de l'arbitre, il dit le droit à la manière d’un juge, même si le fondement de son pouvoir est conventuel. les arbitres sont issus d’horizons professionnels divers (avocats, anciens magistrats, professeurs d’université, expert comptables, dirigeants d’entreprise, ingénieurs…). Les parties peuvent ainsi constituer le tribunal arbitral en fonction de la spécificité de leur litige. L’arbitrage est donc fondamentalement diffèrent de la médiation où le médiateur n’a pas le pouvoir de trancher le litige, et où la décision émane des parties elles- mêmes.

En fin, si les avantages de solliciter les services d’un avocat pour parvenir à la signature d’un protocole transactionnel sont multiples, la transaction n'exige pas absolument l'intervention d'un tiers. Les parties peuvent elles- mêmes transiger, ou soumettre leur diligences à un juge si nécessaire.


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Références :
1. « Analyse juridique des notions voisines à la médiation », J ean- Edouard GRESY.
2. « Les clauses de règlement amiable obligatoire et préalable à la saisine du juge (Chronique de jurisprudence)», Claudia Eyschen.
3. Acte Uniforme relatif à la médiation & Acte uniforme relatif à l'arbitrage.


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