Cass. Civ. 1re, 24 juin 1878 ; req. 22 février 1882, Forgo
SOMMAIRE
Introduction
I) L’admission du renvoi au second degré
B) Le rejet de la demande en succession des collatéraux
B) Les justifications de l'admission du renvoi
Introduction
Les conflits de lois sont de nature à mettre un Etat en constante interaction avec les autres Etats dans la désignation de la loi applicable à un litige comportant des caractéristiques internationales. Ces genres de litiges sont souvent sujets des conflits négatifs, nécessitant pour leur résolution, une intervention active des différents juges susceptibles d'être saisis à cause d'un facteur de rattachement. L'arrêt Forgo rendu par la Cour de Cassation, successivement le 24 juin 1878 et le 22 février 1882 s'inscrit dans cette perspective.En l'espèce, Forgo, enfant naturel bavarois était venu en France à l'âge de cinq (5) ans. Il y avait vécu et décédé le 06 juillet 1869 à Pau. Sa succession, composée des créances et valeurs mobilières situées en France était disputée entre l'administration française et ses parents collatéraux (les consorts Ditchl), admis comme successibles par la loi bavaroise, alors que la loi française admet l'administration française des domaines à la succession. Les collatéraux de Forgo ont saisi le juge français pour cette cause, que l'administration des domaines réclame aussi en soutenant l'application de la loi du dernier domicile. La Cour d'Appel de Pau a donné droit à cette dernière en confirmant la position du premier juge. Les collatéraux se sont donc pourvu en cassation. La Cour de Cassation a cassé l'arrêt rendu par la Cour d'Appel.
Alors, la question de Droit qui s'est posée était de savoir : quelle est la règle applicable à la dévolution successorale des biens d'un étranger non domicilé ?
Pour répondre à cette question, la Cour de Cassation, avait admis la règle de conflit des lois étrangère, à savoir la loi bavaroise. La cour soutient en effet que « d'après la loi bavaroise la matière de succession ab intestat dépend du statut personnel ou du statut réel » donc « la loi française était seule applicable ».
Ainsi, il convient d'élucider les raisons de la prise en compte de la règle de conflit des lois étrangère (ou le renvoi au premier degré admis) par la Cour de Cassation (I), et d'analyser ensuite, les enjeux qui tournent autour de cette consécration en Droit International Privé (II).
I) L'admission du renvoi au premier degré
Pour résoudre la question de loi applicable à la succession de Forgo, le juge français avait pris en compte la règle de conflit de loi bavaroise. Cela se traduit d’une part, par l'application de la lex rei sitae à la dévolution (A) et d’autre part, par le rejet de la demande formée par les collatéraux à cet effet (B).A) La désignation de la lex rei sitae
Dans le cas de l’espèce, Forgo, Bavarois de nationalité, avait laissé derrière lui d’importantes créances et des biens mobiliers en France. Le premier juge d’appel saisi avait estimé que la loi du for (la loi nationale du sujet) devrait être appliquée à la succession et par conséquent renvoie l'affaire à la loi bavaroise. Or, selon la loi bavaroise, « on doit appliquer, en matière de statut réel, la loi de la situation des biens meubles ou immeubles ». C'est ce qu’avait effectué le juge français quand il retient le retour du renvoi. Ce renvoi est dit renvoi au premier degré. Dans une requête du 22 février 1882, le juge avait appliqué la loi bavaroise en déduisant que, en raison de la mort ab intesta du Forgo à Pau et de la situation de ses biens en France, seule la loi française était applicable à la dévolution héréditaire y relative. L'application de la lex rei sitae a conduit au rejet de la demande en succession formée par les collatéraux.
B) Le rejet de la demande en succession des collatéraux
Mais, par application de la lex rei sitae, les biens de Fogo, enfant né naturel et mort ab intesta, vont à l'État français. C'est par application de l'article 768 du Code Civil français que l'administration française des domaines en a obtenu l'envoi en possession par jugement du tribunal de Pau, le 16 octobre 1871. Le juge de Cassation confirme cette position.
Et, aux termes de l'article 766 du même code, les parents collatéraux du père ou de la mère de l'enfant naturel ne sont point admis à lui succéder. Ainsi, les consorts Ditchl ne sont pas admis à succeder à Forgo. La Cour d’Appel de Toulouse, en date du 22 mai 1880 se pronoça dans le même sens que la Cour de Cassation en 1878. Selon cette dernière, les collatéraux « sont sans titre et sans qualité pour réclamer les valeurs mobilières qui font l'objet du litige", d’où le rejet de leur demande.
Parailleurs, il faut préciser que c'est par l'arrêt Forgo que la notion de renvoi a vu le jour.
II) La consécration du renvoi en Droit International Privé
L’admission du renvoi à travers l’arrêt Forgo a contribué à la résolution des conflits négatifs en DIP (A) et se justifie par un certain nombre de raisonnement (B).A) La resolution des conflits négatifs
Par le passé, l'existence de conflit négatif soulevait d'immenses difficultés en Droit International Privé. Mais avec l'avènement de l'arrêt Forgo, le problème a été résolu. La Cour de Cassation avait eu l'occasion de consacré la notion de renvoi au premier degré pour donner une alternative au juge du for, d'appliquer la loi du for même lorsque celle-ci ne retient pas sa compétence en raison des facteurs de rattachement. La cour s’est notamment basée sur le facteur de rattachement désigné par la loi bavaroise, à savoir le domicile de fait (la situation en France des biens mobiliers et des créances de Forgo) à défaut du domicile de droit.
En effet, ce principe a été réaffirmé une douzaine de fois en matière de succession mobilière ou immobilière, mais aussi en matière de filiation avant la loi de 1972, en matière de divorce avant la loi de 1975, etc. Ainsi, l'arrêt forgo est devenu un arrêt de principe en matière de renvoi au premier degré.
Mais comment se justifie l'admission du renvoi par la cour de Cassation ?
B) Les justifications de l'admission du renvoi
En fin, la Cour de Cassation a elle-même justifié l'admission du renvoi dans une autre affaire (req. 9 mars 1910) en précisant que : « il n'y a qu'avantage à ce que tout conflit se trouve supprimé et à ce que la loi française régisse, d'après ses propres vues, des intérêts qui naissent sur son territoire ».
Ismail Abakar
03 janvier 2022
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